
La crise sanitaire a mis nos nerfs à rude épreuve et continue de nous affecter. Pour nombre de managers et de collaborateurs, il faut montrer qu'on maîtrise la situation et mettre ainsi ses émotions de côté. Cela part d'une bonne intention mais peut être risqué : on s'épuise et créé une distance avec ses collaborateurs et ses collègues qui, eux-mêmes affectés, peuvent ne pas comprendre une telle dissonance.
Savoir gérer ses émotions ne veut pas dire les mettre de côté. C'est au contraire avoir le courage de montrer sa vulnérabilité, de remplacer la distance et la maîtrise par des questionnements, des incertitudes et des inquiétudes. C'est être capable, dans une certaine mesure, de s'exposer émotionnellement.
Les émotions, des alliées qui nous veulent du bien
D'un point de vue biologique, le rôle principal d'une émotion est de favoriser la réalisation d'une action. Ainsi par exemple, lorsque nous sommes en colère, le sang est redirigé vers les mains pour nous permettre de lutter avec plus de force, la fréquence cardiaque augmente et l'adrénaline provoque une poussée d'énergie favorisant une action vigoureuse.
Une émotion est donc un signal que notre cerveau nous envoie pour nous indiquer qu'un besoin fondamental n'est pas satisfait. C’est un mécanisme de défense qui « nous mobilise de force vers un besoin comme si nous étions en danger » (Daniel Goleman).
Ce fonctionnement du cerveau a pendant longtemps représenté un avantage certain dans un milieu hostile : on lui doit notre survie. Mais dans le monde moderne, il peut emporter des comportements inappropriés. Ce n'est donc pas l'émotion en elle-même qui pose difficulté - au contraire, elle est utile - mais la réaction à cette émotion.
Savoir gérer ses émotions passe donc par la capacité à les identifier, à les comprendre autrement que par nos filtres et à cerner le ou les besoins qui, derrière, sont menacés ou nous semblent en danger.
Accepter et exprimer ses émotions
Savoir identifier et exprimer ses émotions est une première qualité. Ne pas être dans le déni, accepter ses failles, ses doutes et ses peurs. Être également capable de les verbaliser et de les partager.
Nommer ses émotions nous permet de mieux les comprendre et de s'en détacher plus facilement. En les extériorisant, on s'en "décharge". Par ailleurs, en étant ouvert, authentique et transparent sur ce que l'on ressent, on renforce la relation de confiance et par là-même l'engagement des équipes.
Décrypter ses filtres
"Ce ne sont pas les évènements qui nous font mal, mais l'interprétation que nous en avons" (Epictète) . Nous avons une tendance naturelle à traduire les évènements avec nos propres filtres. C'est ce qui explique que, face à une même situation, nous ne réagissons pas tous de la même manière. Pour agir sur nos réactions émotionnelles, nous devons interroger, challenger nos interprétations. En d'autres termes, remettre en cause l'intention que nous prêtons à un fait.
Ainsi par exemple, une personne qui nous coupe la parole pourra nous mettre en colère si nous y voyons un manque de respect ou de reconnaissance. Cela pourra nous faire perdre pied et nous rendre mutique si nous avons l'impression qu'elle vise à nous déstabiliser. Notre réaction ne serait toutefois pas la même si nous envisagions d'autres interprétations (besoin de clarification, incompréhension etc.).
Identifier ses besoins
Derrière une émotion se trouve un besoin non satisfait ou en danger. En plus de la joie qui nous signale que tout va bien, il existe 3 grandes catégories d'émotions toutes reliées à des besoins spécifiques qu'elles ont pour vocation de protéger :

Marshall Rosenberg, psychologue américain et concepteur de la CNV (Communication Non Violente), a également proposé une grille de lecture de ces besoins fondamentaux. On y retrouve les 4 catégories précitées, de manière détaillée et transversale :
Autonomie : affirmation de Soi, choix de ses rêves, buts et valeurs, liberté, paix..
Célébration : la vie et ses réalisations, deuils et pertes, joies et peines…
Interdépendance : acceptation, amitié, amour, appréciation, bienveillance, communication…
Intégrité : authenticité, confiance en Soi, équilibre, estime de Soi, identité…
Subsistance : abri, nourriture, protection, repos, santé…
Ressourcement, jeu : bien-être, détente, joie, plaisir, récréation, humour..
Sens : accomplissement de Soi, conscience, évolution, discernement…
Transcendance : amour, beauté, sagesse, spiritualité, sérénité…
Pour mieux comprendre nos émotions et mieux gérer nos réactions, il est important de se poser la question des besoins non satisfaits : derrière telle ou telle émotion, quel besoin n'a pas été satisfait ? Et quelles actions je peux mettre en place pour mieux les satisfaire ? En faisant le lien entre émotions et besoins, il est en effet possible d'identifier les actions à mettre en place afin de satisfaire ces derniers et canaliser, ainsi, nos réactions émotionnelles.